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3 mars 2010 3 03 /03 /mars /2010 01:18

Les obstacles ne sont que ce qu'il faut surmonter.

Samuel Howe.

 

 

Après quelque temps, en effet, le commandant du camp de Gurs demanda des volontaires pour s'engager dans des groupements de travailleurs étrangers. Comme cette offre n’eut pas beaucoup de succès auprès des prisonniers, Erich, avec une vingtaine d’autres dans le même cas, fut désigné d'office pour partir à Uriage les Bains, non loin de Grenoble.

 

À peine arrivés au nouveau camp, ces "volontaires" forcés furent immédiatement envoyés dans une petite baraque préfabriquée qui servait de bureau pour y remplir une fiche de renseignement. Un officier les attendait et d’un air suspicieux demanda :

- Lequel d'entre vous parle le français ?

 

Sans se préoccuper de la suite des événements, Erich mentit et leva le doigt. Aussitôt, l'officier lui ordonna de le suivre. Et lui dit :

- Tu te charges de questionner les autres pour qu’ils remplissent correctement leur fiche. Je veux leur nom, prénom, nationalité, date de naissance et surtout leur origine. Bien compris ?

 

Pour toute réponse, Erich fit signe de la tête. Comme il connaissait la plupart des gens dans le camp, il se dit qu’il devrait bien arriver à remplir sa tâche sans parler un mot de français. Lorsqu’il était quand même contraint d’interroger les réfugiés, tous se moquaient à gorge déployée de son français des plus approximatifs. Ils hurlaient de rire et lui répondaient en allemand par des mots grossiers que l'officier français n'était pas censé comprendre. Devant le manège assez comique, Erich tentait de garder son sérieux. Il ignorait, comme les autres prisonniers, que l’officier d'origine autrichienne comprenait parfaitement leur petit jeu et se réjouissait intérieurement de leur naïveté.

 

Une fois les fiches remplies, tous furent renvoyés dans les baraquements qui leur avaient été affectés. Erich seul, reçut l’autorisation de sortir du camp pour faire les courses de ses compagnons et leur ramener cartes postales, tabac et autres denrées qu'il pouvait trouver sur le marché d’Uriage-les-Bains.

 

En visitant la ville, Erich découvrit qu’il s’agissait d’une station thermale touristique. Il se dit qu’il pourrait peut-être trouver un travail dans l’un des nombreux hôtels. Lors d’une de ses sorties, il en profita pour se présenter à l’un des plus prestigieux de la ville, l'hôtel de l'Europe. Sans se dégonfler, malgré son air mal soigné sa chemise froissée et ses godillots, il demanda à voir le patron :

- Bonjour, Monsieur, vous n’auriez pas par hasard besoin de personnel ? Je suis fils d'hôteliers et je connais les ficelles du métier. Sentant qu’il valait mieux ne pas trop bluffer, il rajouta :

- Je vis actuellement dans le camp. On pourrait s’arranger…

 

Le patron afficha un air pas commode mais percevant dans la proposition du jeune homme la possibilité de profiter d’un personnel bon marché, il répondit :

- Tu m'intéresses. Je me charge du commandant du camp pour qu'il te permette de venir travailler ici.  Et maintenant file.

 

Erich n’attendit pas son reste. Une formule de politesse comme tout remerciement et il avait déjà pris les jambes à son cou. Assez vite, il eut des nouvelles et put être engagé à l'hôtel comme homme à tout faire. Pendant quelques mois, il passa ses longues journées à se tuer à la tâche. Il rentrait éreinté au camp. Mais bien que son patron l’exploitait outrageusement, Erich put se débrouiller pour ramener dans son dortoir un matelas, des draps blancs et une même cuvette de toilette. Ses co-détenus qui dormaient sur la traditionnelle couche de paille étaient verts de jalousie.

 

Parmi eux, il y avait des Hongrois dont certains, tailleurs de métier, façonnèrent pour Erich un pantalon dans des draps qu’il ramenait de l’hôtel. Moyennant une petite somme d'argent, bien entendu, car dans un camp tout se monnayait… L’argent venait de Suisse, envoyé par sa tante Ellie...

 

Comme l'hôtel de l'Europe était un hôtel saisonnier, il ferma ses portes dès la fin de l’automne. Erich qui avait été informé au préalable, avait pris les devants pour se faire engager un peu plus loin à l'hôtel du Globe. C'était là que l'officier français d'origine autrichienne venait déjeuner tous les midis. Et tandis qu’il savourait ses repas, il prenait du plaisir à bavarder en allemand avec Erich qui silencieusement le regarder manger, le ventre noué et en bavant d’envie.

 

L'hiver était arrivé. Dans cette région de montagne, il se fit particulièrement vigoureux. Comme le patron de l'hôtel fournissait en bois de chauffage beaucoup de familles avoisinantes, c’était Erich et d'autres hommes qui devaient aller chercher  quotidiennement sur les pentes boisées de quoi satisfaire le carnet de commandes. Sans vêtements chauds pour les isoler du froid, les malheureux passaient leur journée sous la neige qui leur tombait par paquets entiers sur les épaules et leur mouillait le dos. Ils étaient gelés jusqu’aux os.

 

Le travail était laborieux par ce temps glacial. Les troncs, une fois coupés, devaient être traînés jusqu'à la sortie du bois à l'aide de chevaux. Puis, il fallait les descendre au village. Parfois la neige était tellement épaisse que les troncs y restaient bloqués. Les chevaux tiraient parfois si fort sur les chaînes gelées que celles-ci finissaient par se casser. Il n'y avait alors plus moyen de bouger les troncs.

 

Un jour que toutes les chaînes avaient cédé sous la charge, le patron envoya Erich en chercher des neuves à l’hôtel. Mais il ne put les monter sur le chantier car elles étaient bien trop lourdes pour un homme seul. La tête lui tournait tellement il était à bout de force. Découragé par la tâche, Erich rebroussa chemin et rejoignit sa chambre. Il se laissa choir sur son lit. « Advienne que pourra » pensa-t-il en s’endormant.

 

Le patron, ne le voyant pas revenir, s'inquiéta et partit à son tour à sa recherche. Lorsqu’il trouva Erich endormi dans sa chambre, une furieuse colère le prit. Il le jeta à la rue sans lui payer le moindre sou.

 

Passé le premier moment de déception, Erich se dit que l’hôtel du Globe n’était certainement pas le meilleur choix qu’il avait fait tant il avait souffert de la dureté du travail et de la médiocrité de la nourriture. Il était finalement heureux de ne plus subir les maltraitances du directeur. Sans désespérer, une fois encore, il chercha un autre travail et se fit alors embauché à l'hôtel Sans-Souci.

 

Bien mal lui en prit. Le travail était encore bien plus difficile que dans les deux hôtels précédents. L'hôtelier le forçait à travailler au minimum quatorze heures par jour en le nourrissant de déchets. C’était le bagne, l’esclavage. Il ne pesait plus que 45 kg pour 1,70 m. À ce rythme infernal de travail, il tomba vite malade.

 

Le patron, qui réalisa la gravité de la situation, fit appel à son beau‑frère, médecin de famille. En découvrant l'état de délabrement dans lequel se trouvait Erich, ce dernier sortit de ses gonds :

- Mais cet homme est en train de mourir de faim. Comment as-tu pu laisser faire une chose pareille ? Regarde-toi, tu manges assez toi-même, c'est tout simplement honteux !

À ces mots, il appela une ambulance pour conduire le mourant à l'hôpital de Grenoble. Erich ferma les yeux, en se disant que peut-être il en sortirait vivant mais que sinon, il irait rejoindre Benno au Paradis des Innocents.

 

L'hôpital de Grenoble était tenu par des médecins et des religieuses. Erich fut installé dans un lit propre et put enfin se reposer. Tout doucement, il commençait s’extraire de l’enfer d’Uriage-les-Bains et à récupérer. La nourriture n’était pas très appétissante, mais au moins il mangeait décemment. Au bout d'une semaine, s’inquiétant de ce qu’aucun de ses camarades de camp n’était venu prendre de ses nouvelles, il se dit qu’il était temps d’interroger la Mère Supérieure lors de sa visite quotidienne. Elle lui rétorqua :

- Êtes-vous Juif, mon fils ?

Erich, très étonné par cette question, ne répondit pas.

- Deux gendarmes français sont en bas pour arrêter les Juifs, continua-t-elle en le toisant du regard

- Mais, j’ai rien fait de mal. La plainte d’Erich vint mourir dans sa gorge. Il n’eut pas le temps d’en dire plus. Déjà la Mère Supérieure tentait de lui expliquer la situation :

- Il y a eu une rafle dans le camp. Tous les Juifs ont été arrêtés. Il faut que je te cache si tu veux que je te sauve.

 

Elle n’eut pas le temps d’en dire plus ni de mettre Erich à l’abri. Les événements s'enchaînèrent alors à toute allure. Soudain, la religieuse et le jeune homme entendirent une altercation dans le hall d’entrée, puis une cavalcade qui montait l’escalier. Deux gendarmes firent irruption dans la chambre, sans frapper ni respecter le repos des autres malades. Il était trop tard pour fuir. 

 

D’un ton sec, ils ordonnèrent à Erich de s'habiller et de les suivre. Comme ses maigres possessions étaient restées à l'hôtel Sans‑Souci, il fut autorisé à y retourner sous bonne escorte.

- Si tu tentes de fuir, on t’abat. Compris ?, lui aboya un des deux gendarmes.

 

Rassemblant ses quelques vêtements et son petit pécule, Erich sentit la gravité de la situation. Depuis le temps qu’il courait pour éviter les nazis, voilà qu’il était rattrapé. Ces gendarmes français allaient certainement le livrer aux Allemands. Il serait alors déporté. À cette perspective, sa poitrine se serra et son estomac se souleva par l’angoisse.

- Pourquoi tant de haine gratuite ?, s’insurgea-t-il

 

Il fut emmené à la gare où tous les trois prirent un premier train sans qu’on ne lui communique la destination finale. Ils firent ensuite un transit dans une petite gare en attendant le second train. Erich invita ses geôliers à dîner, espérant les amadouer pour qu’ils ne le livrent aux Allemands. Ils acceptèrent l’offre tout en continuant d'afficher leur gueule patibulaire…

 

Vers vingt-deux heures, ils arrivèrent à Lyon.

 

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3 mars 2010 3 03 /03 /mars /2010 00:17
Il ne faut pas être juif pour avoir entendu parlé d'un kibboutz. Cependant, je ne suis pas sûre qu'il y ait beaucoup de mes contemporains qui sachent avec précisions de quoi il en retourne. Quelques lignes pour éclairer leur lanterne...

A la fin du 19ème siècle, on ne parlait pas de kibboutz mais pourtant déjà les premières colonies juives s'installaient sous le patronage du Baron Edouard de Rotschild. En 1909, un petit groupe de pionniers crée le premier kibboutz sur les rives du lac de Tibériade. Leurs idées se fondent sur des bases idéalistes : tout doit appartenir à la communauté aussi bien les vêtements, les biens que les personnes. Les décisions sont prises à la majorité des votes. La vie ne fut pas facile dans ce premier kibboutz mais, en dépit de la malaria, des difficiles apprentissages agricoles, des relations houleuses entre les membres dues à la promiscuité, l'expérience fut positive.
 
Au cours des années 1910-20, une douzaine de kibboutz virent le jour. Dans celui de Degania, naquit Moshé Dayan qui deviendra l'un des meilleurs chefs militaires d'Israël. En 1920, le mouvement sioniste acquiert 500 mille hectares dans la vallée de Jézieel. Bientôt, dans les nouveaux modèles de kibboutz, et autour des anciennes fermes  agricoles, s'organisent  des activités artisanales, des petites industries, des activités portant sur l'éducation des enfants, la culture ou le sport. Le travail se fait suivant un système de rotation, alliant épanouissement individuel et nouvelles techniques modernes. La vie dans les kibboutz devient totale et répond à l'ensemble des besoins de la population.

Peu à peu, les kibboutz s'adaptent à la vie moderne et proposent un certain confort à leurs résidents, comme la création de la Maison des enfants où ceux-ci grandissent dans des bâtiments juste pour eux. Les parents peuvent travailler et visiter à leur guise leurs enfants. 

Aujourd'hui, en ce début de nouveau siècle, le kibboutz vit des jours difficiles. D'abord parce que le collectivisme n'est plus très au goût des citoyens. L'esprit du kibboutz est notamment battu en brèche par des mères qui font pression pour élever elles-mêmes leurs enfants. Ensuite parce que le téléphone, qui n'avait pas lieu d'exister car l'idée était que tous se retrouvent le soir au réfectoire, a fait son apparition massive et conduit les membres à des comportements plus individualistes, notamment à s'isoler dans la chambre.
 
Actuellement, les kibboutz sont plus libéraux envers les jeunes qui souhaitent poursuivre des études. Mais c'est aussi cette ouverture qui place Israël comme l'un des pays les plus développés en matière de recherche agronomique malgré le manque d'eau.
 
Les villages coopératifs où vivent les agriculteurs sont appelés moshavim. A la différence des kibboutz, le moshav ou exploitation agricole individuelle se regroupe en coopérative pour ce qui concerne des achats, la mise en vente de produits, l'usage des machines...
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27 février 2010 6 27 /02 /février /2010 23:20

Il faut espérer puisqu'il faut vivre.

Proverbe italien.

 

 

Gurs fut construit entre mars et avril 1939. Situé dans le Pays Basque près des Pyrénées, ce camp fut le premier et le plus grand de France. Au début de l'année 1940, le gouvernement français y interna environ quatre mille Juifs allemands considérés comme « ennemis étrangers ».

 

À Gurs, Erich séjourna avec les mêmes réfugiés qu'à Saint-Cyprien ainsi que d'autres Juifs venus d'Europe. Une fois sur place, il fut immédiatement embauché dans les cuisines ce qui lui permit de  ne plus réellement souffrir de la faim, bien que tous les jours y soient servis des topinambours, immangeables et uniquement cuits à l'eau car il n'y a pas d'autres ingrédients à y ajouter. Le maigre plat était distribué dans grands récipients déposés au milieu de chaque baraquement. Les prisonniers devaient faire la queue patiemment, munis d'une écuelle en métal pour recevoir leur louche de topinambours. Même les gardiens français ne mangeaient pas à leur faim, ce qui les mettait de fort méchante humeur et les rendait plus agressifs que jamais.

 

Erich trouva le moyen de quitter Gurs. Sans aucun doute, cela lui porta chance, pour un temps au moins, car le camp surpeuplé souffrait de pénurie d'eau, de nourriture et de vêtements. Entre 1940 et 1941, on y déplora 800 morts de typhoïde et de dysenterie. D'août 1942 à mars 1943, les autorités de Vichy livrèrent 3.907 prisonniers juifs aux Allemands qui les envoyèrent à Drancy. Ils furent ensuite déportés en six convois vers des camps d'extermination situés en Pologne occupée, principalement à Auschwitz.

 

Au printemps 1942, Erich aussi finira par gonfler les rangs de Drancy et sera expédié en Pologne. En attendant, il continua son errance en quête d’un moyen d’échapper au sort misérable que la police française lui destinait.

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18 février 2010 4 18 /02 /février /2010 23:34


Eilat est une petite ville à l'extrême Sud d'Israël, coincée entre les montagnes ocres du désert du Néguev et les eaux turquoises de la Mer Rouge (oui je sais l'association des couleurs peut paraître étrange, mais c'est pourtant vrai!). Petite ville en front de mer sur le golfe d'Aqaba, ou plutôt station balnéaire car ici, tout est fait pour le vacancier en quête de repos, le promeneur en short et à lunette noire, le
somnoleur nonchalamment allongé sur le sable doré de la plage. Mis à part juillet et août où la température de la journée peut facilement atteindre les 40 degrés, il y fait agréablement tiède toute l'année. Idéal pour un Belge qui voudrait sortir de sa grisaille déprimante et des pluies glaçantes de ses longs hivers.

Au temps du Roi Salomon, Eilat fut un port commercial actif et le restera jusqu'au IIè siècle de notre ère. La ville s'appelait à l'époque Ailana avant d'être détruite par les croisés. Avec l'arrivée des Israéliens, elle est devenue à la fois un port et une région touristique fort prisée.

Pour ma part, j'apprécie la promenade pédestre sur la digue en parallèle à la mer, bordée de palmiers et où les échoppes et magasins chics alternent avec les hôtels luxueux. Il fait bon s'arrêter le long des piscines et se rafraîchir, à l'ombre des parasols ou dans une salle climatisée. Ou encore de se lancer dans les jeux aquatiques et, pourquoi pas, d'aller nager avec des dauphins comme il est possible de le faire. La modernité dans toute sa splendeur...


Juste en face d'Eilat, on peut contempler la Jordanie qui abrite son fabuleux site de Petra. Il faut compter une journée pour cette visite car la procédure de vérification des passeports est très longue mais cela vaut le détour. Le trajet en voiture qui traverse différentes petites villes dure environ 1h30. Mieux vaut aussi troquer les ballerines de plage pour de bonnes chaussures de marche car mes chemins sont rudes et le sol rocailleux. 


Petra est une nécropole nabatéenne qui a été redécouverte en 1812. Cachée au fond d'un long canyon, elle renferme des édifices troglodytes sculptés dans la falaise, notamment le tombeau du prophète Aharon qui débouche sur le Trésor du Phaaron, peut-être le plus beau monument de cette antique cité. Après avoir marché longtemps, les étroites parois du défilé s'ouvrent comme un rideau devant un scène de théâtre et offrent spectacle de roches monumentales ciselées comme de la dentelle. C'est magnifique et magique. 

Petra se découvre tôt le matin car c'est à la lueur des premiers rayons du soleil que le gré ocre des roches se décline dans des rose somptueux. Et, c'est au creux de cet îlot minéral, loin des fastes et du luxe de nos cités actuelles que je ressens profondément la gloire passée du Roi Salomon et de ses descendants.



Petra1      Petra2

 
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17 février 2010 3 17 /02 /février /2010 21:00

 

La peine n'est pas commuable, elle est à vie.

Tudor Arghezi

 

 

Au bout de quelques jours, Erich était à ce point sous le choc de revenir à Saint-Cyprien qu’il en contracta la jaunisse. Rapidement séparé des autres pour éviter toute contamination, il resta seul à l'infirmerie. Submergé par un sentiment d’abandon, le souvenir de Benno le hantait. Pour adoucir sa solitude, il se mit à rédiger des courriers à destination de sa famille en Allemagne ainsi qu'à sa tante en Suisse. Les lettres étaient remises aux autorités du camp qui se chargeaient de les poster après vérification du contenu.

 

Quelle ne fut pas sa surprise de recevoir en retour de courrier un colis de sa tante ! L'unique colis qu'il reçut au cours de ces péripéties, précise-t-il encore aujourd’hui. Celui-ci contenait un kilo de Gruyère et un kilo de chocolat, un trésor pour le malheureux qu’il était. Comme il était toujours en convalescence de sa jaunisse, le médecin, lui aussi un réfugié prisonnier, refusa qu’il goûtât à son colis. Dans la nuit, alors que tout était calme, Erich essayait de se souvenir quand, pour la dernière fois, il avait dégusté du chocolat et du fromage. Depuis trop longtemps, assurément, pensa-t-il. Bien que le médecin lui ait formellement interdit d’en manger, il passa outre ses conseils et avala tout le contenu du colis dans la nuit... Il ne sait pas dire si sa gourmandise l’aida à se remettre sur pied. Toujours est-il qu’il guérit vite. À peine sorti de l'infirmerie, mais encore affaibli, il fut aussitôt envoyé dans la cuisine pour y travailler. Décidément, dans ces camps, il n’y avait pas de place pour la pitié.

 

Au mois d’octobre 1939, suite à de très graves inondations, le camp de Saint-Cyprien dut être évacué. Ses 3.870 internés, pour la plupart des Juifs allemands, autrichiens qui s’étaient fait prendre en Belgique, furent alors expédiés en urgence vers une autre destination. Ils arrivèrent à Gurs entre le 29 et le 31 octobre 1940.

 

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15 février 2010 1 15 /02 /février /2010 12:18
Pourquoi ai-je envie de parler de Jaffa ? D'abord parce que cette ville est un élément important du patrimoine culturel d'Israël. Des fouilles archéologiques et des documents retrouvés prouvent que son existence remonte à plus de 4000 ans. Jaffa est probablement la seule ville au monde qui a toujours été habitée. Selon la légende, le nom de Jaffa viendrait de Japhet, le troisième fils de Noé qui aurait été l'instigateur de sa construction. Une autre version voudrait que Jaffa serait appelée Yafo du mot Yofi (beauté en hébreu). 

Jaffa a aussi été associée à la construction du Temple du roi Salomon dans la mesure où les cèdres du Liban sont arrivés par ce port. La ville a été conquise tour à tour par les légions romaines, les sultans turcs, Napoléon. Début du 20è siècle, le Général Allenby la conquiert et c'est le début du mandat britannique.

Mais j'avais aussi envie de parler de Jaffa pour ce qu'elle représente aujourd'hui. Ses ruelles étroites, ses galeries d'art, sa brocante ou pischpilim, sa vue panoramique sur la côte, sa promenade des remparts le long du littoral, son pont des voeux, sa tour de l'horloge qui se dresse à l'entrée de la vieille ville, son jardin de la Cime, ses sites chrétiens, sa ville millénaire et moderne à la fois... Au milieu, des juifs et des arabes y vivent et y commercent...

Et puis Jaffa, c'est aussi de nombreux restaurants, parmi lesquels l'un qui s'appelle Docteur Shashuska, connu pour sa shakshuka : cette préparation à base de tomates, poivrons, oeufs et épices est un régal. Servie chaude dans des plats directement sortis du four, elle se déguste avec une pita tiède. Je vous conseille la spécialité. Et bon appétit.

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8 février 2010 1 08 /02 /février /2010 23:45
La fête des sorts est célébrée le 14 du mois d'Adar (soit le 28 février 2010) qui correspond  à la fin de l'hiver et au début du printemps. Elle nous rappelle l'histoire du complot ourdi par Haman, premier ministre de l'Empire perse et antisémite reconnu, qui voulait la destruction du peuple juif en un seul jour. 

Le roi Assuérus après avoir exécuté son épouse la reine Vashti, pour lui avoir désobéi, inaugure un concours de beauté pour trouver une nouvelle reine. Esther, jeune fille juive, le séduit et devient son épouse sans lui révéler sa nationalité. 
 
Un jour, alors que Mordékhai, le chef de la communauté juive (mais aussi le cousin d'Esther) refuse de se prosterner devant le premier ministre, comme le veut la loi du pays. Haman furieux d'être désobéi, s'empresse de plaider auprès du roi l'extermination de tous les Juifs, pour l'offense causée à l'autorité. Le choix du jour de la sentence, soit le 13è jour d'Adar, aurait été décidée par un lancer de dés. D'où le nom de Pourim qui signifie Sort (au sens de tirage au sort) pour relater l'événement.

Courageusement, Mordékhai exhorte le peuple juif à prier et à jeûner pour espérer qu'un miracle les laisse vivre.  De son côté, Esther dans un acte désespéré de courage et au péril de sa vie, convainc le roi de festoyer. Elle choisit ce moment de joie et d'ivresse pour lui révéler son identité juive et dénoncer le dessein du premier ministre. Outré par la cruauté de celui-ci, le roi fait sur le champ pendre Haman et nomme Mordékhai premier ministre.
 
C'est ainsi que 14 Adar constitue un jour de fête pour les Juifs qui ont été sauvés d'un triste sort. A l'occasion, ils écoutent la lecture de la Méguilla (nom du Livre d'Esther qui se présente sous forme de rouleau) relatant le miracle de Pourim. Au cours de la lecture, des crécelles sont agitées à chaque fois que le nom d'Haman est lu afin de couvrir la voix qui le prononce. Des Hamantaschen (les poches de Haman en allemand) sont servies pendant la fêtes. Il s'agit de pâtisseries fourrées soit de chocolat, de pavots ou de fruits, et d'une forme toute particulière : en triangles pour rappeler qu'Haman s'est rempli les poches avec l'argent de la corruption, ou pour symboliser le chapeau napoléonien qu'il portait, ou encore pour illustrer les oreilles des criminels que la tradition ordonnait de couper avant la pendaison. Autant de versions différentes qui décrivent la fin de l'ignoble personnage.

Un pain, appelé la halla de Pourim, est également dégusté. Tressée, la Halla représente les longues cordes utilisées pour pendre Haman. Depuis le XVe siècle et sous l'influence du carnaval romain, avec l'accord des Rabbis, il est permis d'organiser des mascarades, ce qui est en théorie est interdit par la loi juive puisque les hommes ne peuvent pas porter des vêtements de femmes et vice et versa. Les enfants aussi prennent plaisir à se déguiser pour le repas qui clôt cette fête.

Le 13 Adar est un jour de jeûne, appelé le jeûne d'Esther, en souvenir du jour où la reine faillit se sacrifier pour les siens.

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8 février 2010 1 08 /02 /février /2010 23:08

Le chagrin est comme la maladie : pour les uns, il est bénin, pour les autres il est aigu. Proverbe français

 

 

Sur les conseils de ses hôtes, Erich se présenta donc au camp de Recebedou. Bien qu’il n’eût aucune envie de vivre à nouveau comme un prisonnier, il ne voyait pas d’alternative.

 

Recebedou était un centre d'accueil pour des Juifs comme lui. Prévu pour contenir 1.400 personnes, il devait servir de relais et d’hôpital. La seule condition pour y être admis était l’obligation d’en sortir après une période de dix jours. Pas question donc de s’y installer, et d’une certaine manière cela convenait à Erich qui n’avait aucunement l’intention de pourrir dans un camp.

 

Lorsqu’il y séjourna, l’endroit était propre, le dortoir correct et la nourriture également, bien que peu copieuse. Les réfugiés étaient libres d’entrer et de sortir, aucun gardien ne surveillant les portes du camp. L'histoire démontrera que les conditions d’internement se détériorèrent par la suite et que, une fois les réserves de médicaments épuisées, le camp‑hôpital devint un mouroir pour beaucoup de réfugiés malades, faute de soins et de salubrité des bâtiments.

 

Un matin, de très bonne heure, Erich vit des gendarmes français encercler Recebedou avec leurs chiens d'attaque. Ils semblaient déchaînés. Sans ménagement, ils arrêtèrent tous les occupants  et les forcèrent à monter dans des camions pour les rapatrier à Saint Cyprien. Là, Erich et bien d’autres furent placés dans un baraquement de punition, le "strafbaraque" comme ils l’appelaient.

- Ça vous apprendra à quitter Saint Cyprien pour vous la couler douce à Recebedou ! Fallait pas essayer de nous doubler.

 

Bien que tout cela soit parfaitement injuste, il était impensable pour Erich, comme pour les autres, de tenter de s’expliquer. 


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2 février 2010 2 02 /02 /février /2010 18:01
Césarée située non loin de Haïfa, a été construite par le roi Hérode, sur un rocher au-dessus de la mer Méditerranéen. Le nom de ce port vient du fait qu'il était sous la protection de l'empereur César Octavien Auguste. A cette période romaine, Césarée était la capitale du pays. Vue son importance stratégique sur la mer, ce lieu fut longtemps habité tout le long de son histoire.

J'ai adoré. C'est le plus beau site archéologique que j'ai jamais visité. On se ballade dans des vestiges magnifiquement entretenus, ponctués de panneaux explicatifs et de films reconstituant les scènes de vie à l'époque romaine. Pas besoin de guides, on peut choisir sa langue de commentaires, on peut prendre son temps, déambuler à loisir. L'amphithéâtre, les murailles qui surplombent la mer, l'aqueduc, l'hippodrome, autant de monuments dont les pierres ont la texture de l'histoire. La poussière est partout, soulevée par la brise maritime, chargée de ses particules racontant la vie de ses habitants disparus. En me promenant, j'avais l'impression d'entendre leurs voix, je pouvais imaginer la course d'un char, voir le public se lever pour huer le perdant ou acclamer le vainqueur, le pouce tourné vers bas ou vers le haut.

Pour ceux qui aiment concilier culture et sport, il y a un golf. On peut également profiter de la belle plage et se baigner dans la mer, ce qui est toujours appréciable après une visite sous le soleil d'Israël.
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1 février 2010 1 01 /02 /février /2010 11:28

Les larmes ne sécheraient jamais si l'on n'oubliait pas les morts.

Proverbe roumain.

 

 

Le trajet d’Orléans à Saint-Cyprien se passa d’une seule traite. Heureusement pour les prisonniers qui devenaient fous à côtoyer la mort, dont l’odeur leur soulevait le cœur et les faisait vomir. En descendant de ces wagons, ils crurent échapper de l’enfer.

 

Mais, c’était pour en rencontrer un autre : 40°C le jour sous un soleil de plomb, la nuit un temps glacial. Les semelles de leurs chaussures fondaient ou se cassaient au contact du sol trop chaud. Rapidement, les baraquements furent infestés par des puces de sable. Voulant tout désinfecter, les Français obligèrent les prisonniers à se déshabiller afin que leurs vêtements, y compris les pulls en laine, soient lavés à l'eau bouillante. Après l’opération, inutile de dire que bon nombre de prisonniers se retrouvèrent avec des vêtements qui avaient rétréci !

 

Saint-Cyprien fut réputé pour ses conditions d'internement particulièrement pénibles. Devant l'afflux massif des internés, le manque d'hygiène, de médicaments, de désinfectants, de savons se fit rapidement sentir. L’eau était mal filtrée pour la boisson et la cuisson des aliments que cela généra de violentes diarrhées. Dans les toilettes, des myriades de mouches avaient élu domicile. Après les puces de sable, ce fut au tour des souris, des rats et des poux d’envahir les baraquements. Les paillasses en nombre insuffisant, étaient infectées de vermine. Les réfugiés avaient faim faute de nourriture. Ils erraient comme des loqueteux par manque de vêtements et de sous-vêtements. Des cas de dysenterie, de malaria et de typhus se déclarèrent bientôt et entraînèrent l'hospitalisation d'une centaine de malades à l'hôpital Saint‑Louis de Perpignan. Dix-sept personnes y décédèrent en moins de trois semaines, dont Benno, mort du typhus le 25 août 1940.

 

Quelques jours auparavant, Benno avait été atteint par une forte fièvre. Ses lèvres avaient viré au noir et le brûlaient. Aucun médecin parmi les prisonniers ne pouvait l'aider car il n'y avait pas de remède disponible. La seule façon pour Erich de soulager son frère fut de lui mouiller les lèvres nuit et jour. Puis, comme le mal empirait, Benno fut transporté à l'hôpital.

 

Dans la confusion mentale de ces moments, Erich a oublié comment il obtint la permission exceptionnelle de rendre visite à son frère à Perpignan. Toujours est-il qu’il se souvient de sa marche, seul et pieds presque nus, le long de la mer. Son corps était tellement maigre qu'il faisait peur aux gens qu’ils croisaient. Sa peau couverte de piqûres de puces le faisait souffrir le martyre au point de se gratter jusqu'au sang.

 

Arrivé devant l'hôpital, Erich se dirigea vers un guichet et demanda à voir son frère. Sans aucun ménagement, une infirmière lui présenta son frère mort, couché sur une civière parmi d'autres cadavres. Horrifié par ce qu’il découvrait, il partit dans une crise de larmes et, sous l’emprise de ses convulsions incontrôlées, finit par s'évanouir.

 

Quand il revint à lui, un colonel de l'armée française se tenait à ses côtés et cherchait à le réconforter. Avec douceur, ce dernier semblait se soucier sincèrement de ce qui lui était arrivé. L’amabilité de cet homme contrastait avec la rudesse qu’Erich avait côtoyée ces trois derniers mois. Il se laissa aller à raconter dans sa langue maternelle le camp belge, la marche vers Anvers, le voyage en train, l’épisode à Orléans et bien sûr, le terrible camp de Saint Cyprien qui fut fatal à Benno. Erich était agité au seul fait de prononcer son nom. Il lui était impensable d’envisager l’avenir sans son frère, le seul parent avec qui il était resté en contact. La chose dont il était bien certain, c’était de ne plus vouloir remettre les pieds à Saint-Cyprien !

 

Devant la détermination désespérée qu’exprimaient les yeux presque fous du jeune homme, le colonel décida de prendre celui-ci sous son aile protectrice. Il s'occupa de lui fournir le billet de train afin qu’il puisse voyager en sa compagnie. Trop soulagé d’échapper au camp, Erich suivit le mouvement sans se préoccuper de sa destination. Il fit confiance au militaire providentiel et, durant tout le voyage, se laissa bercer par sa voix ronronnant et chaude qui emplissait le compartiment. Comme l’homme parlait dans la langue de Voltaire, le dialogue s’avéra difficile à instaurer. Aux questions sur sa vie au pays et sur ses origines qu’il comprenait correctement, Erich n’osa pas répondre en utilisant l’allemand, la langue de l’envahisseur, de peur d’être dénoncé au contrôleur par quelques voyageurs malintentionnés. À la façon d’un débile mal embouché, il se contenta de hocher la tête pour dire oui ou non en lâchant des borborygmes sonores et évasifs.

 

En tout état de cause, il était bien trop malheureux pour tenir une conversation. Il aurait voulu rentrer dans un trou de souris et s’y laisser dépérir tant il se sentait responsable de la mort de Benno qu’il avait incité à venir en Belgique. Rien de ce qu’il voyait autour de lui ne pouvait effacer l’image de son corps, désincarné et creusé par la maladie. Il en était hanté littéralement. Il n’avait pas pu sauver son frère, ni l’accompagner au moment du grand saut. Il l’avait abandonné dans un misérable cercueil, au milieu de ce couloir, anonyme parmi d’autres morts anonymes, sans qu’on lui laissât le temps d’une prière ni d’un dernier baiser. Son impuissance le faisait basculer dans un monde où l’horreur se répandait comme une traînée, où l’épouvante avait pris le dessus sur tout autre sentiment. Et son chagrin était si violent qu’il l’envahissait au point de l’étouffer. Erich avait vingt ans. Il était seul au monde.

 

Deux heures plus tard, ils arrivaient en gare de Toulouse. Sur le quai, l'officier salua Erich en lui souhaitant "bonne chance". Ces mots ne voulaient plus rien dire pour le pauvre garçon qui avait tout perdu. Mais, bien que la vie n’ait plus aucun sens, il subsistait tout au fond de lui cette volonté de sortir victorieux de cet enfer. Une sorte d’instinct de survie qui le sauva d’innombrables fois de la mort alors que celle-ci allait croiser son chemin à chacun de ses pas pendant les prochaines années de cette sale guerre.

 

Erich regarda le colonel s’éloigner sans trop comprendre pourquoi cet homme-là s’était occupé de lui avec bienveillance. Il apprit bien plus tard qu'il s’agissait du grand rabbin de la cité Toulouse…

 

Dans cette ville inconnue, il erra longtemps de rue en rue, au hasard, ne sachant que faire, l’esprit vidé. Soudain, il entendit parler yiddish et, en se retournant, il aperçut quelques personnes attroupées sur le trottoir en train d’échanger des propos animés. Sans se soucier du risque qu’il encourait, il s'approcha d'eux et leur adressa la parole :

- Mein noumen ist Erich. Ich kim von Saint Cyprien. Mein bruder ist tot. Ich bin allein. Ich weiss nicht wohin zu gahien.(1) L’un des inconnus le regarda dans les yeux, et devant la détresse du jeune homme et son air miséreux, il lui répondit sans hésitation :

- Kim mit ins mit, ying.(2) 

 

Erich, soulagé, emboîta le pas du petit groupe et s’engouffra à la suite de celui qui l’avait invité dans une des petites maisons d’une rue adjacente. Une femme était occupée à cuisiner. Elle l'accueillit avec les honneurs d'un hôte de marque et l’inonda de mots aimables ainsi que de formules de politesse. Elle se dépêcha de lui installer un lit propre dans la seule chambre de la maison. Puis, s’afférant encore autour de lui, elle lui proposa de se laver et d’enfiler des vêtements propres et repassés. Comme un sou neuf, il put enfin passer à table et se remplir l’estomac qui se tordait de crampes, réveillé par l’odeur alléchante.

 

Le couple ne baignait manifestement pas dans l’opulence, mais il régnait chez eux une atmosphère chaleureuse. Ils parlèrent longtemps de la condition fragile des Juifs en France et des risques qu’ils prenaient à cacher un fugitif. Sans un sou en poche, Erich n’irait pas loin. Et puis, il cumulait les handicaps, car il n’était pas question de trouver du travail pour quelqu’un qui ne parlait qu’allemand. Il serait immédiatement arrêté, et comme il n’avait pas de papiers en règle, il serait déporté… Devant la situation inextricable du jeune homme, le couple toulousain suggéra le camp de Recebedou qui venait d’ouvrir ces portes à quelques kilomètres de là pour justement accueillir des réfugiés juifs.

- Paraît-il que là-bas, les gens sont bien traités. Tu pourras te requinquer et aviser après. En tout cas demain, il faut que tu partes, c’est trop dangereux ici.

 

En voyant Erich piquer du nez, ils le laissèrent se coucher, tandis qu’ils s’installaient eux-mêmes dans le salon. La nuit devait porter conseil. Le lendemain matin, la femme lui fit cadeau des vêtements qu’elle lui avait prêtés la veille. Elle lui donna un peu d’argent et, non sans partager le regret qu’Erich manifestait, elle le laissa partir.



(1) Mon nom est Erich. Je viens de Saint-Cyprien. Mon frère est mort. Je suis tout seul. Je ne sais pas où aller.

(2) Viens avec nous jeune homme


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© 189916850 Sabam    
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