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16 décembre 2009 3 16 /12 /décembre /2009 17:08

Maintenant que vous commencez à me connaître, je vais continuer sur ma lancée. Cette histoire se déroule avant mes cinq ans, à un moment si loin du présent que, d’ordinaire, la mémoire ne garde pas de souvenirs précis sauf en flashs incertains. Pourtant, dans ce cas-ci, les images et le déroulement des faits m’apparaissent avec une extrême netteté et une exactitude tellement réelle que j’ai le sentiment de vivre encore la scène.


Ce jour-là, mes parents sont très occupés à faire prospérer leur commerce de vêtements pour hommes. Courageusement, ils travaillent sans compter les heures. Ils ont peu de temps à me consacrer.

Un après-midi, je demande à ma mère de pouvoir rester auprès d’elle au lieu d’aller au jardin d’enfants où pourtant je m’amuse bien. J’ai envie de partager un moment avec elle et surtout de jouer à la marchande, dans un vrai magasin, avec des vrais clients et en rendant de la vraie monnaie. Mal m’en a pris. 

Sans manifester aucune opposition, ma mère accepte que je reste avec elle. Je l’ai bien regretté. Elle me prend par la main, et m'entraîne par une porte dérobée qui mène à la cave. Je connais bien l'escalier qui y descend pour m'être déjà aventurée dans tous les coins de la maison. Mais, cet endroit sombre ne me plaît pas du tout. Arrivées en bas, ma mère ouvre une porte qu'elle referme aussitôt après m'avoir poussée dans la pièce. Saisie d'effroi, je me retrouve une fois encore, seule dans le noir. Accroupie, adossée au mur, je me demande quelle aventure m'attend. Par l'unique vitrail brisé, mais bien trop haut pour ma petite taille, j'essaie d'envisager une sortie... 

Après quelques courts instants, le galop d'un cheval se fait entendre. Intriguée, je me relève sur mes jambes et perçois que le bruit se rapproche. Est-ce le prince et son fidèle compagnon Ouga ? Comment sait-il déjà où je suis alors que je ne l'ai pas encore appelé à l'aide ? Comment a-t-il fait pour quitter ma chambre au grenier où il séjourne chaque soir et arriver si vite dans les bas-fonds éloignés de la maison ? Faut-il qu'il soit courageux et téméraire pour braver ma mère et son autorité ! 

Comme si rien ne peut l'arrêter, le cheval emmène son cavalier à travers la vitre ébréchée et atterrit à mes pieds. Encore palpitant de son effort, ses naseaux soufflent une buée chaude qui me caresse la joue. Le prince est là, devant moi, souriant et rassurant. De sa main gauche, il tient la bride et de la droite, m'invite à monter en croupe. Sans un mot, j'accepte l'invitation et d'un saut me voilà assise les bras entourant la taille de mon sauveur. Avec la rapidité d'un éclair, nous repartons de cet endroit froid et lugubre pour un monde fantastique et haut en couleurs. Rien ne semble nous arrêter, ni les murs épais, ni les portes fermées.

Nous survolons maintenant des paysages féeriques aux couleurs de l'arc-en-ciel. Le soleil nous sourit et ses rayons lancent des éclats lumineux comme pour nous éclairer la route. Les oiseaux, petits et grands, aux plumes multicolores nous entourent en chantant des airs joyeux. J'en oublie que j'ai quitté ma cave. Ouga, tel un planeur élégant et souple, plonge dans la direction que lui indique son cavalier. Le prince me fait signe que nous allons bientôt nous poser à l'entrée du château. Jamais je n'ai vu pareille bâtisse avec ses hautes murailles qui l'entourent pour la protéger, son donjon qui surplombe la vallée, ses drapeaux bleus et blancs accrochés à l'entrée du pont-levis qui claquent au vent.

Je n'en crois pas mes yeux. Emerveillée par ce splendide spectacle, j'arrive même à oublier la vilaine après-midi concoctée par ma diabolique mère. L'atterrissage en douceur me permet d'observer les alentours. Je suis surprise par la grandeur majestueuse  de l'édifice
, fascinée par le petit lac des cygnes, éblouie par la diversité des pare-terres fleuris, envoûtée par les parfums. Je suis de la ville et la campagne je n'y connais rien, dommage, car le tableau que je découvre est sublime.


Nous voilà sur le plancher des vaches. Ouga ne semble pas réellement fatigué et, d'un trot vif, se dirige vers sa prairie où il peut à sa guise se rafraîchir et se reposer librement. Le prince m'explique que Ouga lui a été offert pour ses 13 ans à l'occasion de son entrée dans le monde adulte.
 
Il me prend par la main et ensemble nous entrons au château. Jamais, je n'ai vu de plafonds aussi hauts, autant de luminaires, de longs couloirs et sur les côtés différentes salles qui portent chacunes un nom différent que je ne comprends pas. 

Le prince m'emmène dans la salle appelée Taam dans laquelle une énorme table pleine de gâteaux tous différents dans leur taille, leur couleur, leur goût est dressée. A croire que l'on nous attend. Des fruits que je n'ai jamais vus sont présentés dans des énormes coupes en argent. Des biscuits en forme de gouttes de pluie, de nuages, d'étoiles, garnis de sucre multicolores sont étalés par-ci, par-là. Wouah, je suis heureuse d'être là. Le prince m'invite à me servir. Je croque dans un biscuit tellement grand que ma petite main à du mal à le tenir.

J'en veux encore et encore et surprise car, à chaque dégustation, le goût change comme si le biscuit peut deviner les arômes que j'imagine. Le prince rit de me voir si joyeuse et étourdie par la multitude des mets. Emportée par ses encouragements, je suis attirée par un gros gâteau rouge, tout rond comme une balle, rehaussé d'un ruban jaune et d'une couronne de chantilly. Alors que je m'apprête à la couper, il s'aplatit et glisse sur le bord de mon assiette tout en se transformant en un visage familier. Je sens que l'on tire sur mon bras. Le gâteau semble me parler et ses yeux me fixent, comme pour me dire : "Sophie, réveille-toi, il est tard, la punition est terminée..."

Et alors que le prince disparaît au loin, mon père me tend un sucre d'orge, tout rond et tout rouge, rehaussé d'un ruban jaune. 
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commentaires

N
<br /> les meilleures (bouteilles) sont en cave...<br /> <br /> <br />
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E
<br /> et qui va réparer la vitre brisée de la cave ?<br /> <br /> <br />
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